Faut-il décider de taxer la cigarette électronique ?
Début avril 2024, l’association Sovape était auditionnée par la Commission des affaires sociales du Sénat. L’occasion de présenter son analyse sur la politique antitabac française et de proposer des pistes pour sortir de l’impasse. Ici, nous vous proposons de prendre connaissance du rapport détaillé point par point que l’association a fait parvenir au Sénat.
Précédemment nous mettions en avant les premiers points de l’analyse fournie par l’association :
Pourquoi le taux de prévalence tabagique se maintient-il à un niveau élevé en France ?
Quelles sont les principales études relatives aux risques sanitaires de la cigarette électronique ?
Présentation du marché de la cigarette électronique en France
Quel regard porte l’association Sovape sur les interdictions actuelles ?
Faudrait-il limiter les arômes autorisés dans les produits du vapotage ?
Faut-il instaurer le paquet neutre sur les produits du vapotage ?
Continuons par le dixième point. Nous rappelons que les propos énoncés ici sont tirés de la contribution apportée devant le Sénat par l’association Sovape. Vous pouvez retrouver l’intégralité de leur contribution ici.
Il est parfois envisagé de taxer la cigarette électronique. Qu’en pensez-vous ?
Une taxe anti vape augmenterait les revenus fiscaux de l’État grâce à la hausse du tabagisme et la relance des ventes de cigarettes qu’elle provoquerait, tout particulièrement au détriment des classes défavorisées et précaires.
L’avantage d’une taxe sur le vapotage serait d’augmenter les revenus fiscaux liés aux ventes de cigarettes et de tabac en repoussant une partie importante des vapoteurs vers le tabagisme. Dans notre enquête en France, 26 % estiment qu’ils recommenceraient de fumer, tandis que 52 % envisagent de se tourner vers le marché noir en cas de surtaxe du vapotage. Cette opportunité fiscale aurait pour conséquence d’accroître les méfaits sanitaires et sociaux liés au tabagisme. Près de 75000 personnes meurent prématurément, privées de près de 14 années de vie, par le tabagisme chaque année en France, selon l’estimation de SPF.
Les fumeurs sont essentiellement des personnes des classes défavorisées. Entraver financièrement l’accès à un moyen de réduction des risques au tabagisme est un bon moyen de captation d’une part non négligeable des revenus des classes défavorisés, de réduire le temps dont ils bénéficient de leur retraite, au profit des classes supérieures, moins sujette au tabagisme et pouvant se permettre de surpayer un moyen de réduction des risques pour prendre soin de leur santé. Une taxe sur le vapotage est un outil particulièrement antisocial et accroîtrait encore les inégalités sociales de santé liées au tabagisme.
L’exemple allemand cité plus haut montre l’explosion de tabagisme concomitant à une taxe anti vapoteur élevée. Il est à noter que le retour au tabagisme et le recours au marché noir font que la taxe sur la vape ne rapporte que très peu à l’Etat en elle-même. Que ce soit en Allemagne ou auparavant en Italie, les rentrées fiscales sont largement inférieures aux projections anticipées par les ministères des finances. Cependant, les taxes anti vapoteurs enrichissent l’État grâce à la hausse des ventes de tabac. Elles enrichissent également les réseaux de ventes illégales, celui du tabac étant déjà bien implanté en France.
En regard des conséquences attendues en termes de santé publique et sociales d’une telle taxe, l’imposer serait une erreur funeste.
Au niveau du marché, l’introduction de surtaxe favorise les grandes entreprises, telles que les cigarettiers, au détriment des PME, telles que les producteurs d’e-liquides français. Il n’est donc pas étonnant que les cigarettiers soutiennent l’introduction de taxe anti vape, comme ils l’ont fait devant vous en mars.
Nous notons que la seule justification de Philip Morris à leur demande de taxe anti vape devant cette Commission du Sénat concernait un intérêt économique. Philip Morris n’a présenté aucune raison de santé publique. Une justification d’une taxe comportementale doit présenter des raisons sérieuses d’exercer une contrainte forte sur une large partie de la population pour imposer un comportement. La réduction des risques de vapoter par rapport à fumer devrait primer pour rejeter une telle taxation. En l’absence de justification sérieuse, la mesure serait simplement un opportunisme fiscal abusif.
Une réaction du public, ou d’une large partie de celui-ci, pourrait être de se sentir légitime à recourir au marché noir en raison de l’évidence de cet opportunisme fiscal abusif. Dans notre enquête européenne en 2020 auprès de 37 000 répondants, plus de la moitié des vapoteurs hongrois et finlandais interrogés, deux pays qui ont intronisé des taxes anti vapes auparavant, déclaraient passer par des sources parallèles pour s’approvisionner en produits de vapotage, alors que cette proportion était anecdotique chez les répondants résidents en France.
Un autre élément mis en évidence par cette enquête européenne, montre que des taxes sur le vapotage favorise le tabagisme, notamment par le maintien dans un double-usage (vape et tabac) ou la rechute tabagique, et peut provoquer l’irruption de marchés parallèles.
Près des 2/3 des fumeurs actuels désirent arrêter de fumer. Le problème du maintien du tabagisme n’est pas une question de manque de volonté des fumeurs, c’est un problème de possibilité de réaliser ce désir. Parmi les facteurs favorisant ou entravant la réalisation de ce désir d’arrêter de fumer, l’accessibilité aux alternatives nicotiniques à faible risque sanitaire est centrale.
Leur coût est évidemment un élément clef. Pour cet accès, près des 2/3 des vapoteurs citent le prix abordable comme élément important les ayant encouragés à s’aider du vapotage pour arrêter de fumer. A l’opposé, le prix élevé des alternatives à risque réduit était le facteur principal cité par un quart des fumeurs européens dans notre enquête en 2020 pour ne pas avoir opté pour celles-ci et continuer de fumer.
L’accroissement des inégalités sociales de santé à travers certaines politiques antitabac est établi. L’approche consistant à subventionner massivement des organisations menant des campagnes de dénigrement de la réduction des risques, tout en déplumant l’aide concrète à l’arrêt tabagique, en particulier celle à destination de groupes spécifiques, a pour conséquence d’abandonner les classes défavorisées au tabac.
En France, l’article de Jean-Michel Delile, président de Fédération Addiction, dans la revue de Santé Publique, relève une augmentation du tabagisme quotidien des moins diplômés depuis 2019 en France. Cet article constitue une excellente revue des connaissances concernant le tabagisme des catégories précaires et l’aide essentielle des outils de réduction des risques tels que le vapotage.
Pour favoriser une politique de lutte contre le tabagisme en France, une baisse de la TVA à taux réduit, 5,5 % à l’instar des préservatifs, sur les produits de vapotage rechargeables et remplissables, ainsi que les fioles de recharge, permettrait un accès facilité aux produits ayant le moindre impact environnemental. Cette mesure permettrait de soutenir et inciter des personnes motivées à ne plus fumer en utilisant le vapotage ;
Un programme de distribution de kits de vape et d’e-liquides, à l’image de l’actuel Swap to Stop anglais qui distribue 1 million de kits aux fumeurs qui désirent arrêter de fumer, permettrait de cibler les zones défavorisées.