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Faut-il favoriser le recours au vapotage afin de lutter contre le tabagisme ?

Début avril 2024, l’association Sovape était auditionnée par la Commission des affaires sociales du Sénat. L’occasion de présenter son analyse sur la politique antitabac française et de proposer des pistes pour sortir de l’impasse. Ici, nous vous proposons de prendre connaissance du rapport détaillé point par point que l’association a fait parvenir au Sénat.

Précédemment nous mettions en avant les premiers points de l’analyse fournie par l’association :

Pourquoi le taux de prévalence tabagique se maintient-il à un niveau élevé en France ?

Quelles sont les principales études relatives à la cigarette électronique comme moyen de sortie du tabagisme ?

Quelles sont les principales études relatives au risque que la cigarette électronique serve d’entrée dans le tabagisme ?

Quelles sont les principales études relatives aux risques sanitaires de la cigarette électronique ?

Présentation du marché de la cigarette électronique en France

Quel regard porte l’association Sovape sur les interdictions actuelles ?

Faudrait-il limiter les arômes autorisés dans les produits du vapotage ?

Faut-il instaurer le paquet neutre sur les produits du vapotage ?

Faut-il décider de taxer la cigarette électronique ?

Faut-il davantage règlementer l’accès aux produits du vapotage ?

Continuons par le douzième point. Nous rappelons que les propos énoncés ici sont tirés de la contribution apportée devant le Sénat par l’association Sovape. Vous pouvez retrouver l’intégralité de leur contribution ici.

Il est parfois envisagé de favoriser le recours à la cigarette électronique afin de lutter contre le tabagisme. Présenter ce qui vous semble les expériences étrangères les plus intéressantes à ce sujet, en indiquant les références des principales évaluations disponibles. Du point de vue de la santé publique, est-il préférable, selon vous, de limiter autant que possible l’usage de la cigarette électronique aux personnes voulant sortir du tabagisme ? Ou vaut-il mieux, selon vous, faire en sorte que les nouveaux consommateurs se tournent vers la cigarette électronique plutôt que vers le tabac ? Pourquoi ? Quelles actions concrètes les pouvoirs publics en France devraient-ils mener selon vous ?

L’objectif d’une Union européenne sans fumée d’ici à 2040, qui découle du Plan cancer européen, ne sera pas atteint sans l’intégration du pilier de la réduction des risques aux politiques européennes. La problématique de santé publique n’est pas la consommation de nicotine, mais le mode de cette consommation. Actuellement, le vapotage est le produit de réduction des risques pour consommer de la nicotine en évitant de fumer le plus efficace et populaire.

a) Nous avons évoqué les exemples britannique et néo-zélandais dans la réponse à la question 2.

b) Du point de vue de la santé publique, il est primordial de faciliter l’accès aux produits de substitution à risque réduit aux fumeurs. Arrêter de fumer est extrêmement difficile, avec un taux d’échec de plus de 94 % dans les tentatives de sevrage franches sans aide. Près des deux tiers des fumeurs désirent arrêter de fumer. Le maintien du tabagisme n’est pas un manque de volonté des fumeurs, il reflète un manque d’aide adéquate à réaliser leur désir de sortir du tabac. Pour impulser une politique efficace, un objectif pragmatique de santé publique visant la réduction des méfaits de santé doit se substituer à l’objectif moral d’un “monde pur sans nicotine”.

Le scientifique Michael Russell avait dès les années 1970 identifié la problématique en la résumant par la formule : “Ils fument pour la nicotine, mais ils meurent des goudrons”. Ce sont les produits générés par la fumée qui créent des troubles cardio-vasculaires, à cause notamment du monoxyde de carbone (CO), des problèmes respiratoires, à cause notamment des goudrons (TAR), et une augmentation des risques cancérigènes à cause de divers toxiques, en particulier les nitrosamines (TSNA).

Il semble opportun de préciser à ce sujet que la nicotine est impliquée dans l’extrême addictivité du tabac fumé, mais n’est pas le seul élément déterminant de son niveau dépendogène. Outre la nicotine, le tabac contient plusieurs autres alcaloïdes et des inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO) dont l’effet antidépresseur est bien connu en pharmacologie. Le tabac se présente comme un cocktail de substances, particulièrement efficace pour passer dans le sang à travers les poumons lorsqu’il est fumé. Hors du tabac, la puissance dépendogène de la nicotine est considérée d’un niveau moyen-haut, proche de celui de la caféine. La vente depuis 40 ans de substituts nicotiniques n’a pas engendré de dépendance massive, contrairement aux craintes à l’époque de leur légalisation. Les personnes sans passé tabagique devenant dépendantes des gommes nicotinées sont extrêmement rares et les utilisateurs à long terme ne souffrent pas de problème sanitaire particulier, contrairement aux fumeurs.

« La nicotine n’est pas le problème majeur concernant la santé. La nicotine pure ou pharmaceutique n’est probablement guère différente de la caféine et certainement moins dangereuse que l’alcool. La nicotine est un facteur important de dépendance, mais la dépendance au tabagisme est une dépendance vaste et à multiples facettes. La nicotine pourrait d’ailleurs dans une certaine mesure faire partie de la solution au problème du tabagisme si le besoin de fumer du tabac pouvait être remplacé par la consommation de nicotine pure. Ce qui doit être mis en avant est le problème du tabac et particulièrement du tabac fumé », Pr Karl Fagerström, créateur du test de dépendance au tabac, dans Nicotine and Tobacco Reseach, 2011.

Un suivi sur huit ans de vapoteurs au long cours ex-fumeurs par le Pr Jean-François Etter, de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève, confirme un constat de plusieurs études plus restreintes. Une large part de 80 % des vapoteurs au long cours déclare une réduction de leur dépendance nicotinique ressentie au fil du temps (en moyenne d’un niveau de 75 à 60 sur une échelle de 100).

L’objectif d’une Europe sans fumée d’ici à 2040, telle que visée par l’Union européenne, ne sera pas atteinte sans intégrer l’approche de réduction des risques. Accentuer les pressions sur les fumeurs sans leur donner, ou en entravant, l’accès aux portes de sortie au tabagisme est incohérent. Les fumeurs le vivent comme une injonction paradoxale. L’échec de la politique antitabac française depuis 2019 illustre qu’une violente hausse des taxes sur le tabac n’a pas d’effet sur la prévalence tabagique en étant accompagnée d’un dénigrement systématique des moyens de réduction des risques, en particulier du vapotage qui est le plus efficace et le plus populaire.

Actuellement près d’un tiers des adultes en France fument, c’est une situation sanitaire catastrophique non seulement par son bilan en mortalité prématurée, mais aussi et surtout par son impact de morbidité au long cours pour l’ensemble des fumeurs. Problèmes de circulation sanguine, toux, difficultés respiratoires et d’autres pathologies encore plus tragiques, sont au quotidien pour ce tiers de la population. Il est urgent et nécessaire de ré-impulser une politique efficace contre les méfaits du tabagisme, à l’opposé d’une politique visant seulement à maximiser les revenus fiscaux de l’État en entravant les moyens de sortie du tabagisme.

c) Plutôt que de les dénigrer, les pouvoirs publics devraient intégrer les valeurs inscrites dans la CCLAT que la France a signé et ratifié, à commencer par la mise en œuvre du pilier fondamental de la réduction des risques spécifié dans son article 1er au point d). Partant de là, ils pourraient concevoir et mener des actions concrètes, sincères et efficaces :

  • Mener des campagnes d’information massive honnêtes sur la réduction des risques face au tabagisme à l’image de vaping facts en Nouvelle-Zélande.
  • Remettre en œuvre le groupe de travail vapotage, incluant toutes les parties prenantes, associé à l’élaboration du PNLT.
  • Baisser la TVA sur les produits de vapotage rechargeables et remplissables (à l’opposé des produits jetables ou semi-jetables) ainsi que les fioles de recharge d’e-liquide pour faciliter l’accès à ces produits aux classes défavorisées, principales victimes du maintien du tabagisme.
  • Homologuer urgemment pour la vente dans le circuit pharmaceutique de produits de vapotage à plus de 20 mg/ml de nicotine, nécessaires pour le sevrage tabagique de près de 30 % des fumeurs, tel que cela avait été promis lors de l’élaboration de la TPD en 2013.
  • Réorienter les aides financières vers les organismes actifs sur le terrain de l’aide à l’arrêt tabagique, actuellement laissés à l’abandon.
  • La France devrait soutenir l’intégration du pilier de la réduction des risques dans la politique et les textes au niveau de l’Union européenne pour favoriser la santé publique et atteindre l’objectif d’une UE sans fumée d’ici à 2040.
  • La France devrait viser à réduire l’influence non seulement des cigarettiers privés, à l’instar de l’OMS, mais également des pays grands producteurs de tabac et souvent eux-mêmes propriétaires de cigarettiers– notamment la Chine, l’Inde, la Thaïlande– et leurs alliés au sein de la CCLAT.

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